Exemplarité, nom féminin singulier, « Caractère ou qualité de ce qui est exemplaire » si l’on s’attache à la définition du dictionnaire de la langue française. En anglais, on y trouvera « Qui a le caractère de l'honnêteté, qui est fait avec honnêteté », on y fait aussi référence à l’idéal, au degré le plus haut. Mais encore ? Dans notre société, l’exemplarité est-elle une fiction ou une réalité ? Plus précisément, de quoi parle t-on lorsqu’on évoque l’exemplarité managériale ?
Justement, parlons des organisations. L’exemplarité désigne le fait de s'appliquer à soi-même les exigences que l'on formule à l'égard de ses propres collaborateurs et du personnel. En France, le thème est quasiment mythique, comme un horizon que l’on souhaiterait toucher du doigt et qui demeure inatteignable. La recherche d’exemplarité au plus haut sommet de l’État et de l’entreprise semble s’apparenter à la quête du graal, symbole du salut spirituel de la légende arthurienne, objet de la quête des chevaliers de la Table ronde.
Pourtant, l’expression de l’exemplarité ne semble pas si lointaine, ou du moins son terme. L'évolution annuelle de la fréquence d'utilisation du mot « exemplarité » durant les 500 dernières années est représentée dans le graphique ci-dessous. Son implémentation est basée sur l'analyse de la fréquence d'apparition du terme sur les sources imprimées numériques françaises publiées depuis l'année 1500 jusqu'aujourd'hui, selon la source Educalingo. Notre société aurait-elle évolué de telle façon qu’elle est aujourd’hui plus que jamais en quête d’exemplarité ?
Pour le philosophe Charles Pépin, la première version de l’exemplarité est conçue comme singularité inspirante – et donc inimitable. Mais il existe un second sens, qui définit une exemplarité de cohérence entre un discours et une pratique, empreint d’un comportement vertueux que l’on ne peut pas essayer d’imiter : on agit en conscience et de façon autonome.
Être exemplaire serait-il donc pour l’homme une quête vertueuse ? Et c’est là que les choses se révèlent peut-être encore un peu plus. Tout a commencé par un exercice proposé par Richard Major, Professor of Strategy, Global HR, Leadership and Transformation à l’Institut de Gestion Sociale à Paris lors d’une conférence sur le thème « Exemplarité, Vertu, Croissance et Spiritualité, une quête de vertu de l’espace intérieur du manager » :
- « Qui a été la personne la plus exemplaire dans votre vie personnelle ou professionnelle ?
- Lorsque vous vous connectez à cette personne, que ressentez-vous ?
- Quels sont les termes que vous utiliseriez pour définir son exemplarité ? »
Chacun de nous a réfléchi et a apporté ses propres réponses.
Il existe des figures mythiques d’hommes et de femmes qui ont su être exemplaires ou que nous percevons comme tels : JFK, Nelson Mandela, Gandhi, Mère Teresa, Simone Veil, Barack Obama et bien d’autres. Parfois ce sont des personnes plus proches de nous. Ils et elles sont des modèles inspirants, passionnés, fervents qui ont su rester droits dans leurs bottes et nous montrer le chemin si toutefois nous doutions…
Richard Major a interrogé 1 400 personnes dans 28 pays dans le cadre de sa thèse de doctorat en sciences de gestion sur les dimensions et les effets de l’Exemplarité Managériale Perçue par les collaborateurs en 2015. Des étudiants, des comités exécutifs ou des équipes dans de multiples pays expriment des items similaires ou quasi : confiance, honnêteté, constance, valeurs, authenticité, générosité, bienveillance, courage, intégrité, compassion, conviction, écoute, empathie, humilité, exigence, équilibre, persévérance,…
Ainsi, nous attendons de l’autre le meilleur de lui-même, comme une sorte d’idéal humain.
« On ne travaille pas à être exemplaire, on travaille à être vertueux. Nous sommes dans un processus de croissance. Et si nous nous posons des questions et que nous cherchons à nous parfaire dans un processus de croissance, est-ce que cela ne procède pas à une forme de spiritualité individuelle ? » exprime Richard Major.
« L'exemplarité n'est pas une façon d'influencer les autres. C'est la seule ». Albert Schweitzer
Le leadership est intimement lié au fait de motiver et influencer les autres dans les entreprises et les organisations. Il se définit comme l'action de « guider le long d'un chemin, et plus particulièrement en passant devant en éclaireur » selon le dictionnaire Merriam Webster.
Le leader est celui qui exprime une vision, influence les autres pour atteindre des résultats. Il encourage la coopération d’équipe à l’intérieur d’un environnement. Il ne saurait y parvenir sans être un modèle d’inspiration et sans donner l’exemple.
L'exemplarité est une réelle condition d'efficacité, un impératif managérial et citoyen. C’est un des quatre piliers du leadership selon Robert Dilts, auteur, coach professionnel, consultant et chercheur américain de renommée internationale. « La manière dont le manager agit influence son environnement et par conséquent a des impacts sur le comportement de ses collaborateurs. Pour cela, il doit être conscient de lui-même et de toutes les parties du système dans lequel il évolue ».
S’il incarne sa parole, s’il est capable de donner du sens à ce qui doit être fait et aux actions de ses collaborateurs, ce manager devient un leader inspirant et exemplaire.
A contrario, il est important de retenir que l’absence d’exemplarité dans les organisations à de graves conséquences financières et humaines. Elle suscite le désengagement des hommes au travail, une perte de motivation et du sens des responsabilités, c’est une perte de valeur forte.
Dans un grand entretien accordé à HR Square en 2016, Richard Major décrivait l’exemplarité comme « le reflet en paroles et en actes de la dimension intérieure de l’être, de ses intentions, valeurs, attitudes et émotions ». Depuis des siècles, l’homme s’occupe beaucoup de son environnement, du monde, il cherche le dominer. Mais les ressources qu’il met en œuvre pour se développer lui-même, se maitriser sont-elles aussi importantes ? Rien n’est moins sûr. Pourtant, n’est-ce pas là la clé ?
La vertu se développe par la pratique. « Nous pouvons projeter que la croissance (relationnelle) se développe aussi par notre pratique » déclare Richard Major.
Jean Paul Sarthe disait « L’homme est ce qu’il fait ». L’approche constructiviste confirme que l’on perçoit le monde selon notre propre réalité, qu’il existe plusieurs cartes pour un seul et même territoire. On se construit soi-même, l’homme est le résultat de ses propres actions. Aussi, osons-nous nous poser les questions suivantes : Quelle est la personne que je souhaite devenir sachant que les décisions que je prends aujourd’hui vont définir qui je suis demain ? Quel monde ai-je envie de crée et de laisser aux générations futures ?
Sources : Richard Major, Dilts Strategy Group.